En quelques lignes, voici les contours du surprenant marché des télécommunications d'Afrique Continentale.
Auteur: Cedric di Tommaso
Documentation : UIT-D ; "Profil statistique 2009 de la société d'information en Afrique"; 2009
I – Une croissance sectorisée technologiquement
L’évolution du marché des télécoms en Afrique ne concerne pas toutes les technologies de communications électroniques. Si la téléphonie mobile croît tant économiquement que créativement (B), la téléphonie fixe, et de surcroit la large bande fixe, peine à s’imposer comme un réseau compétitif (A).
A – L’Afrique, l’oubliée des réseaux câblés
Si le réseau des communications électroniques s’est construit dans un premier temps et de manière générale autour des réseaux câblés, ce ne fut pas le cas pour l’Afrique qui se caractérise par l’absence de câble. L’absence de câble n’est pas sans impact dans l’évolution des Technologies de l'Information et des Communications (TIC): sans câble pas de ligne fixe. Ce qui explique que le nombre d’abonnés à la ligne fixe ne soit pas élevé, ni que le réseau de télévision câblés ne soit pas développé (encore que la télévision par câble ne soit pas une priorité absolue de la région).
Mais cela a aussi une autre répercussion, plus importante : sans câbles, il n’est pas possible de développer un réel accès à la large bande fixe. Donc pas d’ADSL. Par ailleurs l’absence de réseau télévisuel câblé, pouvant être comme une alternative économique au déploiement d'une réseau de téléphonie fixe cablé, rend impossible la constitution d’un réseau internet sur le réseau TV. Le faible développement du réseau fixe empêche de surcroit la constitution d’un réseau solide via l’ADSL.
Ainsi les réseaux de communications électroniques basées sur le câble sont peu développés et peu exploitables en Afrique. Ce qui procure autant d’opportunité pour les réseaux basés sur les radiofréquences.
B – L’Afrique, instigatrice du tout fréquence
Le faible déploiement de réseau câblé conjugué à l’explosion dans notre société des communications mobiles n’ont pas laissé d’autre choix à l’Afrique que de se tourner vers les réseaux de radiofréquences.
Le marché de la téléphonie mobile Africain a explosé ces dix dernières années portant à plus de 250 millions le nombre d’abonnés, soit plus de 30% de la population locale. Ce qui est conséquent dans une région à la conjoncture économique complexe. Le mobile et ses applications sont devenus omniprésentes.
Considéré comme un bien de première nécessité, le mobile sert de convergent multifonction pour nombre d’Africains. La diversité des applications mobiles est telle que le mobile est devenu un facteur de développement économique, social et culturel en Afrique. Non seulement il a su s’adapter aux besoins locaux (via le système de pré paiement, consommation à la seconde, programme Me2U®) mais il a su s’imposer comme un outil primordial dans le monde du travail. Ne pas posséder de téléphone portable est éliminatoire à la candidature de certains postes.
Par ailleurs, l’absence de large bande fixe offre une réelle opportunité aux opérateurs d’imposer la large bande mobile. Et par là même de créer l’internet mobile (via l’UMTS/3G). Compensant ainsi la pénurie de large bande fixe laissée à l’Afrique par la communauté internationale.
Même si à l’échelle mondiale l’Afrique semble avoir marqué le passage de la téléphonie fixe à la téléphonie mobile, elle reste tout de même une région qui peine à faire épanouir ses réseaux de communications électroniques.
II – Une croissance rattrapée économiquement
Il est malheureusement une chose acquise de dire que la conjoncture économique Africaine est délicate, rendant par là même le développement des réseaux de communications électroniques difficile (A). Une légère modification de la réglementation permettrait de régler un tel problème (B).
A – Un taux de pénétration pénalisé par un coût des TIC trop élevé
Le coût des TIC reste encore trop élevé dans la région Africaine, et la majeure partie de la population voit le mobile comme un luxe pourtant nécessaire à leur épanouissement. De plus une baisse des tarifs est délicate tant le retour sur investissement des opérateurs peine à se faire sentir.
Cependant ce problème du coût n’est pas une généralité dans la région africaine, certains Etats ont un panier mensuel de services mobiles atteignant seulement 1% du RNB (Maurice, Seychelles). Tandis que d’autres grimpent à plus de 50% (Malawi, Togo).
Le coût élevé des TIC est aussi engendré par une forte taxation des applications mobiles et d’un fort droit d’accise. Une réduction des taxes pourraient augmenter de 4 à 8% le taux de pénétration des TIC dans la région. Tout comme l’ouverture au partage des infrastructures. Mais cela ne sont encore que de théoriques remèdes.
B – Des solutions pertinentes concrètement applicables
Comme citée ci-dessus, l’ouverture au partage des infrastructures pourrait inciter les opérateurs à ne plus se battre sur l’implantation de leur réseaux mais plutôt sur le rendement de celui-ci. Répercutant ainsi l’économie d’une installation d’antenne relais sur le coût moyen de l’abonnement.
Mais d’autres solutions d’ordre institutionnelles existent. Par exemple une modification de la réglementation applicable pourrait inciter à une concurrence plus saine. Des mesures simples et concrètes (réduire la participation l’Etat au sein des opérateurs historiques, instaurer un régulateur indépendant, multiplier les créations de MVNO…) sont possibles et apporteraient un vrai plus dans la libéralisation du marché des TIC en Afrique (conclusion de contrats d’interconnexion plus fiable et aux tarifs orientés vers les coûts, promotion de l’itinérance dans la région africaine assurant ainsi la mobilité, concrétiser la portabilité du numéro).
Enfin, tout cela serait vain sans une réelle volonté pour la région de créer un service universel de communications. En incorporant les opérateurs mobiles dans ses politiques de service universel, l’Afrique gagnerait en couverture de réseau mais pas seulement. Le FASU pourrait apporter une aide non négligeable à l’expansion des réseaux actuels. Mais surtout l’extension des TIC au grand public pourrait finalement aider à une réelle alphabétisation de masse de la population africaine.